Pandémie: les médecins chefs tirent les leçons de la crise

January 13, 2022 time to read 4 min read
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Le PUH à l’épreuve de la pandémie, l’implication des réseaux, la complexité de la programmation de l’imprévisible, le financement et les leçons à en tirer, les thématiques ne manquaient pas au dernier symposium de l’AFMC (Association Francophone des Médecins Chefs).

  “Une crise sanitaire, ce n’est pas une catastrophe ordinaire” , rappelle le Pr Frédéric Thys, directeur des urgences et chef du pôle d’appui de médecine aiguë du Grand Hôpital de Charleroi (GHdC) “Nous sommes passés d’un Plan d’Urgence Hospitalier, qui était prêt pour gérer une catastrophe aiguë à un PUH chronique. Cela a entraîné une autre organisation des flux dans les hôpitaux. En outre, chaque coordinateur au niveau provincial a fait de son mieux pour favoriser une coordination interhospitalière avec les acteurs de 1ère ligne, les médecins généralistes et les maisons de repos et de soins.”  

 “Un cadre défini avec des moyens clairs aurait aidé à cette fonction endossée par les vice-présidents des COAMU de chaque province. Nous avions un sentiment d’impuissance parce que, parfois, nous étions appelés pour des actions où l’on manquait de moyens.”  

Néanmoins, cette crise a permis de tirer des leçons:  “Il faut recentrer la gestion sanitaire au niveau national tout en responsabilisant plus les hôpitaux dans la crise en faisant de la coconstruction de crises plutôt que de leur imposer des choses. Il serait bon aussi d’établir des normes de qualité de soins partagées”  , a expliqué le Dr Manfredi Ventura, président de l’AFMC.

À l’avenir, le renforcement de certains forfaits (urgences, soins intensifs, soins de surveillance clinique…) est indispensable.  “À force d’avoir diminué les normes d’encadrement dans les unités de soins pour une question d’efficience financière, elles n’avaient pas beaucoup de réserve. Il faut réfléchir aussi à un meilleur staffage des unités de soins, le nombre d’infirmières par lit de soins intensifs… ” 

Les critères éthiques devront faire l’objet d’une intense réflexion.   “L’éthique est une balise fondamentale dans ce type de crise.”  

Parmi les solutions, il conviendra de penser à mettre en place  ” des unités de medium care ”  à déploiement rapide pour les hôpitaux.  ” Ils doivent avoir la capacité de développer ce type d’unité avec le financement adapté pour que l’on ne doive pas faire des choix de fermeture ou de réorientation au sein des hôpitaux.”  

Par ailleurs, durant cette crise, la surcharge administrative a été exponentielle.  ” Nous avons été très peu écoutés. Il faut mieux financer le travail de collecte et de récolte de données.”  

Enfin, le président de l’AFMC attend aussi une évolution du statut du médecin-chef:   “Il a beaucoup de responsabilités légales, mais peu de pouvoir. Nous faisons une proposition: il faut travailler à la représentativité au niveau fédéral du médecin-chef dans l’organisation des soins pour lui donner plus d’autonomie et d’efficience.”  

Quatre points d’attention

1. Le Pr Frédéric Thys plaide pour un   “plan interpandémique”.   “Il faut une réflexion pour des PUH entre les vagues qui nous permet d’avoir des structures (surveillance, veille sanitaire, le point sur les risques…), à l’instar de l’OCAM pour le terrorisme. Ll faut sans doute y intégrer la communauté européenne pour éviter d’avoir des discordances d’informations. ” 

2. Améliorer les réseaux:  “La crise a montré les fragilités des réseaux qui n’avaient pas encore terminé leur intégration. Elle montre l’opportunité de mettre en commun, par exemple, la gestion de l’hygiène hospitalière et des infections “, comme l’a rappellé le Dr Jean-Louis Pepin, directeur médical de la Citadelle.

3. Gérer les données:  “L’importance de l’épidémiologie et des modèles mathématiques pour la gestion de l’incertitude. Face aux périodes de latence, aux patients symptomatiques, asymptomatiques… Ce travail nous aide dans notre pratique sur le terrain surtout parce que leur prévision colle à ce que l’on vit après. Cela permet de mieux gérer la planification et la programmation des soins aussi ” , ont souligné le Pr Nicolas Franco (Universités de Namur et d’Hasselt) et le Pr Raphaël Lagasse, professeur d’épidémiologie (ULB et GHdC)

4. Sous-financement: le suivi des patients au day to day était peu valorisé par le financement. Les fonctions de support sont sous-financées actuellement, à savoir la surveillance et la prise en charge des patients hospitalisés, y compris en USI, le fonctionnement du service des urgences et les fonctions institutionnelles telles que l’hygiène ou l’infectiologie.

La crise a aussi montré les limites du système du financement à l’acte, avec des disparités de rémunération non justifiées entre les spécialistes, a noté le Dr Eric Brohon, médecin chef du CHR de Verviers.

Ce numéro a été réalisé grâce au support de MSD.
Son contenu reflète l’opinion des auteurs mais pas nécessairement celle de MSD.

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