Le regard des « futuristes » médicaux

Le Future Digital Health Event organisé par In4Care a été l’occasion, pour quelques médecins-chercheurs, de lever un coin du voile sur l’avenir des soins de santé. Parmi eux, le chirurgien américain Rafael Grossmann, qui se présente volontiers comme un futuriste des soins de santé , le Hongrois Bertalan Mesko, directeur du Medical Futurist Institute, mais aussi notre compatriote Marc Noppen, CEO de l’UZ Brussel.
Le Britannique Dipak Kalra (University College London, professeur invité à l’UGent), président de l’European Institute for Innovation through Health Data et modérateur de l’événement, a ouvert le débat en soulevant la question du positionnement futur des patients et des médecins.
Patient design
Bertalan Mesko rappelle qu’un patient compétent et autonome est aussi plus proactif. Le médecin ne doit pas réfléchir à sa place: il est un véritable partenaire… y compris en ce qui concerne l’innovation. »C’est ce que l’on appelle le patient design, qui implique que les patients accèdent aux plus hauts niveaux de la prise de décision. Dans le futur, cette approche sera adoptée par tous les décideurs. »
Pour le Pr Marc Noppen, le manque d’intégration intuitive des nouvelles technologies dans les activités courantes du personnel médical et infirmier est une cause majeure de frustrations pour les cliniciens. « C’est l’une des raisons pour lesquelles ces travailleurs se retrouvent en burn out ou quittent le secteur. Pour les médecins et les infirmiers, la gestion de ces aspects technologiques représente en effet une énorme perte de temps. Le télémonitoring des patients cardiaques en est un bon exemple: s’il n’est pas intégré, c’est vraiment une source d’irritations. »
Le chirurgien Rafael Grossmann le rejoint dans son analyse: « Le problème, ce n’est pas l’innovation, mais son implémentation. Le burn out tient avant tout à l’environnement de travail, ce n’est pas une maladie qui se développe par elle-même. Mal implémentée, la technologie peut rendre malade, dépressif ou même suicidaire. En ce qui concerne le patient, celui-ci doit retirer un bénéfice direct ou indirect de l’innovation, par le biais par exemple de la réalité virtuelle. Il doit pouvoir s’orienter lui-même dans sa maladie et dans son anatomie. C’est ainsi que l’on parvient à un consentement réellement éclairé. »
Résistances
Quid des facteurs qui s’opposent actuellement à cette autonomisation du patient? « Nous cherchons à y remédier grâce à un conseil consultatif des patients » , explique Marc Noppen. « Au contraire de ce que l’on a avec un bureau de consultance professionnel, ce sont ici les patients eux-mêmes qui sont des consultants libres, avec l’avantage qu’ils arrivent souvent avec des demandes pratiques très concrètes. Nous demandons par e-mail l’avis de tous les patients que nous voyons passer (environ 400.000 chaque année). Leurs conseils portent sur l’aspect humain de la prise en charge, pas sur des questions purement médicales. C’est une approche que nous appliquons depuis une dizaine d’années déjà et qui représente vraiment une formidable source d’information. »
Le Dr Grossmann s’avoue un peu jaloux de cet engagement des patients, largement inconnu de son côté de l’Atlantique. « Le patient est un acteur important au sein de notre service, mais au niveau de l’hôpital, de la région ou du pays, nous n’en sommes à peu près nulle part. Même l’implication des médecins n’est d’ailleurs pas bien développée à ces niveaux aux États-Unis. »
Entrepreneurs
Et qu’en est-il de la position des entrepreneurs, qui développent régulièrement de nouvelles idées au bénéfice des patients? « Nous pouvons les inspirer par le biais de hackatons, par exemple. Nous avons organisé un événement de ce type avec aussi bien des étudiants de master que des ingénieurs, ce qui lui a assuré une grande complémentarité. Des experts du domaine et des forums sont nécessaires pour permettre aux différents acteurs de se rencontrer » , commente le Pr Noppen. « Nous sommes en train de développer un algorithme d’intelligence artificielle pour lutter contre le burn out », enchaîne le Dr Grossmann. « Le piège à éviter, dans ce type de projet, est de ne pas impliquer d’emblée suffisamment de patients, de médecins et d’acteurs administratifs/de régulateurs. »
Ce numéro a été réalisé grâce au support de MSD.
Son contenu reflète l’opinion des auteurs mais pas nécessairement celle de MSD.