Pandémie: « Il faut un plan national de formation continue » (Ph. Leroy)

« Face à une pandémie, 85% de la force médicale d’un hôpital ne peut plus poser des actes de complexité intermédiaire aux soins intensifs. Le goulot d’étranglement se trouve là! » Dans une interview exclusive, Philippe Leroy, Directeur général du CHU Saint-Pierre, explique pourquoi il faut un plan fédéral de formation continue des infirmiers et des médecins pour ces actes.
Alors que les soins intensifs sont toujours sous tension actuellement en Belgique, on n’entend pas vraiment poindre de solutions sérieuses (pas ceux qui parlent d’augmenter simplement le nombre de lits…) à long terme pour faire face à une nouvelle pandémie ou à d’autres vagues. Récemment, le Dr Philippe Devos, président de l’Absym, avait évoqué la mise en place d’une armée d’infirmières de réserve qui pourrait être une solution concrète. De son côté, le directeur général du CHU Saint-Pierre à Bruxelles, le Dr Philippe Leroy, qui avait été l’un des premiers à adapter son hôpital à la crise en repoussant les murs, veut que les autorités réfléchissent à un « plan national de formation continue ».
Que voulez-vous dire par là?
« Nous sommes face à une situation sans précédent qui s’éternise… On va devoir réorganiser l’hôpital. Les responsables politiques devraient se pencher sur la formation continue du personnel à des actes de complexité intermédiaire aux soins intensifs. Aujourd’hui, nous avons un personnel de qualité qui est de plus en plus hyperspécialisé. Face à une pandémie, 85% de la force médicale d’un hôpital ne peut plus poser des actes de complexité intermédiaire aux soins intensifs… alors que le goulot d’étranglement se trouve là. Je pense par exemple à la pose de cathéters, de voies artérielles, d’une intubation, à la maîtrise des appareils de ventilation non invasive et des respirateurs, au fonctionnement des autres types de matériel spécifique aux soins intensifs, aux techniques de mobilisation, à la toilette des patients… »
Vous remettez l’hyperspécialisation en question?
« Pas du tout. Il faut en limiter l’impact en cas de crise en maintenant un socle commun. Il faut être pragmatique! Si nous avions eu au CHU Saint-Pierre, en mars 2020, 100 infirmiers formés depuis 2-3 ans aux techniques de soins intensifs, avec des stages répétés, la prise en charge de l’épidémie aurait été très différente tant professionnellement, psychologiquement qu’émotionnellement… Cela aurait permis d’être plus efficace.«
Comment mettre en place un tel plan?
« Pour le CHU Saint-Pierre, je vais le mettre en place, mais je vais le faire avec des bouts de ficelle. Si l’on avait une réflexion fédérale, on pourrait le dupliquer dans tous les hôpitaux.«
Vous réclamez la même chose à l’échelle du pays?
« Il faut dès maintenant former des infirmiers et des médecins qui travaillent dans les différents services à des actes techniques de complexité intermédiaire aux soins intensifs. Cette démarche va rendre l’hôpital plus souple et le personnel plus polyvalent. Les autorités doivent mettre en place un plan national de formation avec une vraie réflexion politique et un budget national. En effet, ce type de formation, de plusieurs dizaines de personnes pendant 2-3 semaines, peut vite coûter cher et se chiffrer en centaines de milliers d’euros.«
Qui va payer?
« J’ai travaillé en Suisse pendant 2 ans. Ils ont une armée de réservistes qui sont rappelés 2 semaines par an. Le gouvernement paie les salaires. «
Ce numéro a été réalisé grâce au support de MSD.
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