COVID-19 : que sait-on ?
L’actualité dépasse souvent la fiction et tout le monde a en tête le film «Contamination». Ce scénario catastrophe ne devrait pas avoir lieu, mais cette pandémie est certainement un signe d’alerte qui pourrait préluder des infections plus graves.
C’est de l’Empire du Milieu que l’épidémie a débuté en décembre. Le diagnostic des premiers cas a été établi sur base de symptômes cliniques correspondant à une pneumonie virale inconnue jusqu’alors. Grâce au développement du séquençage de dernière génération, les chercheurs ont pu comparer l’ADN viral à celui d’autres virus connus comme le SRAS ou le MERS dont les agents sont également des coronavirus, comme on sait. C’est ainsi que récemment, on a pu établir l’arbre phylogénétique de COVID-19 à partir de quelques patients.
Ces échantillons ont montré une correspondance génétique à 99,98% du COVID-19. Ils sont très éloignés du SRAS et du MERS puisque les correspondances génétiques ne sont que de 79 et 50% respectivement. Il est donc évident que COVID-19 et la pneumonie qu’il engendre constituent une nouvelle maladie. En revanche, COVID-19 se rapproche de deux de ses cousins retrouvés chez les chiroptères chinois. Bien que les analyses suggèrent que les chauve-souris pourraient être les hôtes originels du virus, il est probable qu’un autre animal vendu au marché aux poissons de Wuhan puisse avoir été un vecteur de la maladie. (1)
Dépister, diagnostiquer…
On le sait, la ruée sur les tests font craindre la pénurie, si elle n’existe pas déjà. On pourrait probablement même s’en passer dans un contexte non émotionnel. Mais ni les médias, ni les autorités ne participent vraiment à faire diminuer les craintes fondées ou non, mais légitimes, de nos concitoyens.
Les tests actuels posent, semble-t-il, plusieurs difficultés. Outre leur disponibilité, l’acheminement des échantillons dans certaines régions du monde fait défaut ; de plus, la performance même du test est mise en doute par certaines équipes. Aujourd’hui, seuls 30 à 60% des échantillons auraient donné des résultats positifs.
Des chercheurs estiment que bon nombre de patients risquent de passer entre les mailles du filet et donc de contaminer d’autres personnes rapidement. Des cliniciens chinois ont mené une étude afin de comparer la valeur diagnostique et la cohérence de l’imagerie par scanner thoracique par rapport au test RT-PCR pour la COVID-19. En tout, 1.014 patients y ont participé. Ceux-ci ont bénéficié conjointement des deux examens. La PCR inverse a été considérée comme le test standard servant de référence. Pour les patients ayant bénéficié de plusieurs tests PCR, la conversion dynamique des tests de négatif à positif ou positif à négatif a également été analysée par rapport aux scanners thoraciques en série.
Sur l’ensemble, 601 patients (59 %) avaient des résultats positifs à la PCR, et 888 (88 %) avaient des CT scans thoraciques positifs. La sensibilité du scan thoracique pour le COVID-19 était de 97 %, sur la base de résultats positifs PCR. Chez les patients dont les résultats de la PCR étaient négatifs, 75 % (308 sur 413 patients) ont eu des résultats positifs au scanner. Parmi ceux-ci, 48 % étaient des cas très probables, avec 33 % comme des cas probables. L’analyse des tests et des scanners en série a montré que l’intervalle entre les résultats initiaux négatifs et positifs de la PCR était de 4 à 8 jours. Selon leur analyse, environ 81 % des patients ayant obtenu des résultats négatifs à la PCR, mais des résultats positifs au scan thoracique ont été reclassés comme cas hautement probables ou probables avec COVID-19. (2)
Prévention, transmission et traitement ?
Ces analyses sont intéressantes en elles-mêmes, car elles devraient alerter les autorités sur l’aspect sanitaire. D’autres chercheurs ont réussi à déterminer la structure même des spicules du virus. Ceci pourrait servir à la mise au point d’un vaccin. Des traitements sont en cours de recherche. Une information intéressante, et qui n’a peut-être pas assez été exploitée, est le fait que COVID-19 utilise le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 pour se fixer et entrer dans les cellules pulmonaires. Or, avec le virus du SRAS, il a été démontré que ce récepteur était essentiel pour la transmission du virus. Toutefois sur des modèles animaux, on a aussi montré que le lisinopril et le losartan pouvaient augmenter respectivement de 5 et 3 fois l’expression cardiaque du récepteur à l’ACE-2. Dans tous les cas, il est indispensable de recommander aux patients cardiaques et/ou hypertendus de bien poursuivre leur traitement, car ils sont plus à risque que d’autres.
La seule prévention efficace, en l’absence de vaccin, semble bien être le confinement. Pour draconiennes qu’elles soient, ces mesures d’isolement ont permis (semble-t-il) de réduire le nombre de nouveaux cas en Chine. La transmissibilité du virus est aérienne et par contact physique. Les données actuelles indiquent qu’il n’existe pas de contamination verticale de la mère à l’enfant via le placenta. (3) La question demeure quant à une possible transmission oro-fécale. En effet, certains patients infectés présentent des symptômes gastro-intestinaux. Le virus procèderait ici de la même manière que pour l’infection pulmonaire, profitant de l’abondance du récepteur ACE-2 dans le tractus digestif. Notre expérience avec le SRAS montre aussi que le virus peut atteindre le foie. Le problème, selon des chercheurs chinois, est que la transmission oro-fécale pourrait très bien survenir même après une clairance parfaite du virus au niveau pulmonaire. La positivité des selles pour COVID-19 se situait entre 1 et 12 jours et les échantillons fécaux de 23% des patients sont demeurés positifs même après la conversion négative des échantillons respiratoires. (4)
Agir ensemble !
La conclusion est que nous ignorons encore beaucoup au sujet de cette nouvelle maladie et qu’actuellement, seuls le confinement et les mesures d’hygiène élémentaire ont réussi à le contenir. Or il est à craindre que ce ne soient les prémisses de nouvelles infections auxquelles nous devrons faire face dans les années futures. Sans jouer les Cassandre, il y a fort à parier que les changements climatiques associés à une exploitation de zones encore vierges permettent l’émergence de pathogènes jusqu’ici inconnus et contre lesquels nous ne disposons d’aucune immunité. Trois axes devraient donc être développés pour tenter d’enrayer le plus rapidement possible ce genre de propagation. Le premier s’appuie sur la recherche fondamentale permettant de prévoir ces infections émergentes, de modéliser le mieux possible leur propagation et de chercher des nouvelles voies de prévention. Le deuxième tient dans la recherche appliquée permettant de mettre en œuvre rapidement des tests, des vaccins et des traitements. Le troisième réside dans une politique globale d’études environnementales non plus pays par pays, mais à l’échelle de continents afin de déterminer les risques et de prendre des mesures conjointes.
Pierre Dewaele
- https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30251-8/fulltext
- https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.2020200642
- https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30360-3/fulltext
- https://www.gastrojournal.org/article/S0016-5085(20)30282-1/pdf?referrer=https%3A%2F%2Fwww.medpagetoday.com%2Finfectiousdisease%2Fcovid19%2F85315
Autres Catégories